Coronavirus, connaître les risques et les réduire
Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les informations concernant les risques de transmission dans la vie courante ne sont pas vraiment précises, ni stables. Un jour on nous dit que le masque est inutile, pour ensuite virer de bord et reconnaître que ce n’est pas si mal pour protéger les autres, pour finalement avouer à demi-mot qu’il devrait être utilisé par tout le monde dans les lieux publics. On s’est tous inquiété en suivant un cycliste à vélo, ou en passant près d’un joggeur haletant d’être exposé une grande quantité de virus, mais qu’en est il vraiment ?
En faisant des recherches sur le net, je suis tombé sur l’article “The Risks – Know Them – Avoid Them“, d’Erin Bromage, un professeur de biologie à l’Université du Massachusetts Dartmouth, dont les recherches l’ont conduit à s’intéresser aux aux mécanismes immunologiques permettant au corps de se protéger des infections, et à la conception des vaccins. Il a donc une certaine compétence en la matière! Son texte fait le moins sur les mécanismes d’infection, et les conditions requises pour être contaminé par le Coronavirus.
Dans la suite de ce texte, j’ai choisi de résumer une partie de son article, ce qui vous aidera je l’espère, à estimer le risque que vous courez dans la vie de tous les jours, et de prendre en charge votre gestion du risque.
Bonne lecture, et soyez prudents!
Pour être infecté par le Coronavirus, une dose minimale de virus est requise
Premier point important à comprendre, et souvent méconnu du grand public : pour être infecté par un virus, il faut être exposé à une certaine quantité de virus.
Une infection résulte d’un combat entre le système immunitaire et un agent infectieux. Quand une petite quantité de virus pénètre l’organisme, le système immunitaire est généralement capable d’intercepter et d’éliminer l’intrus. Si la quantité de virus dépasse un certain seuil, le système immunitaire est dépassé et le virus s’installe, se réplique et envahit l’organisme. Les experts estiment qu’il faut entrer en contact avec environ 1000 particules virales pour développer une infection. Ce chiffre n’est évident pas précis, c’est surtout un ordre de grandeur utile pour estimer le risque.
On peut donc être contaminé par une seule exposition à 1000 particules de virus, ou à 10 expositions à 100 particules sur une courte période de temps.
Connaître la quantité de virus émises par certaines activités comme parler, tousser, éternuer, ou respirer pendant un effort physique permet donc d’avoir une idée de la durée que ça prend pour attraper la maladie. Nous verrons plus tard que d’autres facteurs entrent en jeu, comme la présence de vent, de lumière naturelle, ou tout simplement l’endroit dans lequel on se trouve (extérieur versus intérieur)
Quelle quantité de virus pour quelles activités?
Éternuer / tousser
L’événement le plus contaminant est sans conteste un éternuement en face de vous. On estime qu’une personne infectée peut envoyer dans la zone en face d’elle un total de 20 000 000 particules virales! On est donc loin des 1000 particules suffisantes pour provoquer l’infection! Les droplets expulsés lors de l’éternuement ne vont pas retomber immédiatement sur le sol. Elles vont voyager sur une certaine distance, se poser sur vous, vos vêtements, sur des objets susceptibles d’être touchés, ou flotter et voyager dans la pièce pendant quelques minutes. Erin Bromage estime qu’il suffit de passer quelques minutes dans une pièce où une personne malade vient d’éternuer pour contracter la maladie!
Une personne qui tousse va émettre 10 fois moins de virus qu’une personne qui éternue, ce qui fait tout de même 2 000 000 de particules! Largement suffisamment si vous êtes en face!
Parler
Une personne qui parle émet environ 200 particules par minutes, on atteint donc le seuil contaminant après environ 5 minutes, si toutes les particules se retrouvent dans l’organisme cible. Encore une fois, les mouvements d’air, les déplacements et la distance jouent sur la quantité effectivement reçue.
Respirer
Si vous êtes près d’une personne contaminée, sa respiration relâche dans l’environnement environ 20 particules/minute. Si chaque particule se retrouve dans vos poumons, ce qui est improbable, il faudra 50 minutes pour atteindre le seuil des 1000 particules. En réalité, c’est beaucoup plus puisque beaucoup de particules émises se retrouveront ailleurs que dans votre système respiratoire. Plus vous êtes loin de la personne, plus la quantité effectivement absorbée est réduite.
Courir, faire du vélo
Pratiquer une activité sportive augmente le rythme respiratoire, et donc la quantité de virus relachée dans l’environnement. Au repos, on effectue environ 24 cycles par minute. Puisqu’on relâche environ 20 particules par minute en respirant, on peut en arrondissant déduire que le cycle respiratoire d’une personne qui respire normalement rejette 0.8 particule de virus. Le rythme respiratoire pendant une activité sportive modérée va monter à 37 cycles/minute, soit environ 30 particules émises par minute. Il faudrait donc rester devant quelqu’un qui court pendant 35 minutes pour recevoir une quantité de virus suffisante. Dans les faits c’est impossible si vous êtes un piéton (la proximité avec le coureur dure quelques secondes au plus), et si vous courrez à coté de quelqu’un, le vent et la position latérale augmente la probabilité que le virus finisse ailleurs que dans votre corps. Donc pas de panique!
Toucher une surface contaminée
On le sait, il est possible d’attraper le virus en touchant une surface contaminée, puis en se touchant le visage. Toutes les surfaces contaminées ne sont pas égales, et là aussi, la quantité de virus compte. Il faut donc être prudent lorsque l’on visite des lieux dans lesquels de nombreuses personnes passent et touchent quelque chose. Ainsi, les toilettes sont particulièrement exposés! Poignées de porte, pitons de la chasse d’eau et robinets sont autant d’endroit hautement contaminants! Idem pour les transports en commun, méfiez des barres métalliques dans le métro, ou du bouton d’arrêt dans le bus! La seule parade, en plus de limiter les contacts, et de se désinfecter au purrel dès qu’on touche quelque chose.
Où ont eu lieu les contaminations ?
Les recherches sont formelles, la grande majorité des contaminations de masse ont eu lieu dans des lieux clos, mal ventilés, avec beaucoup de monde : prisons, cérémonies religieuses, salles de sport intérieures, maisons de retraite, lieux de travail (abattoirs, call centers…), restaurants, mariages, funerailles.
Plus un événement permet à des personnes de se retrouver à l’intérieur, pour une durée prolongée (plusieurs heures), plus il présente des risques! Et dans le cas, la règle des deux mètres n’a pas beaucoup d’impact! Dans un lieu clos, le virus peut circuler rapidement et envahir tout l’espace.
Le cas d’un restaurant à Ganzhou a été souvent cité comme exemple de contamination dans un lieu clos. La salle du restaurant mesure 145 m2 et comporte cinq tables. Les cinq membres de la famille A occupent une table centrale. L’une des personnes est malade, asymptomatique. Elle développera des symptomes quelques heures plus tard. Au total, suite à ce repas, 9 personnes seront malades, donc 5 personnes assises aux tables adjacentes.
L’un des points cruciaux ici et la durée d’exposition. Le temps d’un repas a suffi à contaminer des personnes qui n’étaient pas en contact direct avec la personne malade, juste par dispersion du virus dans l’espace.
En extérieur, les risques de contamination sont très faibles. Le vent, les rayons UV, et les déplacements ont un effect de dispersion ou de neutralisation. C’est ce qui explique notamment pourquoi de nombreux virus sont saisonniers. La période estivale, pendant laquelle les gens sont plus souvent dehors, réduit la promiscuité. Le virus n’est pas moins contagieux en été, il y a juste moins de situations lui permettant de se propager facilement.
Le masque est-il vraiment efficace ?
Si une personne contaminante porte un masque, il est prouvé que le risque de contaminer les autres est réduit, surtout si elle éternue ou tousse. Le masque bloque en effet une grande partie des droplets émis. Rappelons pour ceux qui l’ignorent encore qu’il est possible de transmettre le virus sans symptômes. Inutile donc de dire “je ne suis pas malade, je n’ai pas besoin de porter un masque“. Beaucoup de gens qui ont transmis le virus n’avaient aucun symptômes, et comme on ne teste prioritairement que les personnes symptomatiques, il y a en circulation beaucoup de personnes contaminantes qui s’ignorent!
Pour les Covidiots qui utilisent l’argumentaire selon lequel les mailles d’un masque sont trop grandes pour bloquer un virus, je les renvoie vers leur cours de physique au Cegep et la notion de forces de Van der Waals. Les virus ne sont pas bloqués par les mailles d’un masque, mais par un effet électrostatique (comme les crayons que l’on frotte sur sa nuque pour attraper les petits morceaux de papier).
Des chercheurs de l’Université de Cambridge et de la National Academy of Sciences viennent de publier les résultats de leurs recherches sur l’efficacité des masques. Les résultats sont sans appel et sont un plaidoyer pour le port obligatoire du masque dans l’espace public. Les chercheurs considèrent que le masque, même artisanal, est la meilleure arme dont nous disposons pour combattre le virus, en attendant un vaccin ou un traitement.
Porter un masque pour se protéger des autres est moins efficace. En effet, mêmes si le tissu est susceptible de fixer une partie des particules virales qui viennent de l’extérieur, la plupart va quand même rentrer dans le nez ou la bouche, en passant par les côtés du masque. Et les quelques particules qui vont rester sur le masque ne sont pas sans danger! Il suffit de toucher la surface du masque pour le retirer ou le repositionner pour se contaminer les mains et le visage… Une astuce pour augmenter l’efficacité du masque serait de traiter le masque au sel, comme indiqué dans cet article. Il faut aussi signaler l’importance de porter un masque correctement. Je vois beaucoup de personnes qui ne le portent pas sur le nez! Le virus est susceptible de rentrer par le nez, la bouche ou les yeux! Et il est expulsé par le nez et la bouche. Il est donc essentiel de se couvrir le nez ET la bouche!
Pour se protéger des autres, le plus utile est encore de porter une visière. En effet, le virus peut rentrer par les yeux, qui est une porte d’entrée non protégée par un masque. La visière règle le problème et offre la meilleure protection. Des chercheurs de l’Université de l’Iowa ont démontré qu’une visière protège contre 90% des droplets expulsés par un éternuement! Contrairement au masque, la visière protège moins les autres. Si vous êtes malade, un masque devant la bouche et le nez est plus efficace pour bloquer les particules virales.
La quantité de virus a-t-elle une influence sur la gravité de la maladie ?
Oui! De plus en plus d’études confirment que plus on reçoit une quantité de virus importante, plus on risque d’être gravement malade.
Cet article en anglais du LATimes est formel, non seulement porter un masque aide à se protéger des personnes malades, mais la gravité de la maladie est fonction de la quantité de virus reçue. Donc même si un masque ne permet pas de stopper toutes les particules virales, plus il en stoppe, moins on risque de complications. L’article cite une étude faite sur des hamsters. Ceux qui se trouvaient dans des réceptacles dont l’aération était filtrée par un masque chirurgical ont été moins contaminés ET moins malades.
Pour plus d’infos sur ce sujet, lisez l’excellent article “Le port du masque diminue-t-il le risque de forme sévère de COVID-19 ? De nouveaux éléments en faveur de cette hypothèse” sur Vidal.fr.
Comment estimer et réduire les risques ?
Compte tenu du faible risque de contamination en extérieur, le masque est très peu utile dans la rue. La manifestation contre les violences policières à Montréal le 7 juin 2020 n’a pas été suivie par une recrudescence des cas de Covid-19, alors que peu de participants portaient des masques et respectaient la distanciation sociale!
Marcher dans la rue est très peu risqué, puisque les contacts avec d’autres humains sont brefs, et que les mouvements d’air dispersent les particules virales. Les rayons du soleil ont également un effet délétère sur le virus.
Retrouver des amis dans un parc est déjà plus problématique, puisque l’on reste proche des mêmes personnes pendant plus longtemps. Il est également difficile de ne pas partager des objets (verres, bouteilles, ballons, boules de pétanque…) potentiellement contaminés. Dans ce cas, c’est à chacun de se prendre en charge et de veiller à se désinfecter les mains, ou s’abstenir de toucher les object communs.
Suivre quelqu’un à vélo est plus risqué que de de croiser quelqu’un a vélo, car le contact est plus long, mais la distance reste raisonnable et le déplacement d’air augmente la dispersion du virus. Si vous êtes inquiet, augmentez la distance avec le cycliste devant vous!
Qu’en est-il des courses dans un magasin ? Pour les clients, le risque est limité, et il est proportionnel à la durée passée à l’intérieur. Compte tenu du fait que tous les clients doivent se désinfecter les mains avant d’entrer, le risque de toucher un objet contaminé est minime. Si vous vous désinfectez les mains en sortant, vous réduisez le risque évidemment.
Le risque est plus important pour les employés, qui passent de nombreuses heures à l’intérieur. Même s’ils sont susceptibles d’être en contact avec de faibles quantités de virus à la fois, au fil des heures, l’exposition cumulative augmente! Il est donc important de penser à eux et de porter un masque pour réduire cette quantité totale.
Actuellement, il semble que l’activité sociale la plus risquée reste d’aller boire un verre dans un bar. Les chiffres de la santé publique publiés depuis la réouverture des bars à Montréal sont sans appel. Les cas de Covid-19 augmentent à nouveau et de nombreux bars sont devenus des foyers d’infection, à tel point que le gouvernement demande à toutes les personnes qui ont fréquenté un bar depuis le 1er juillet de se faire tester! De quoi se demander pourquoi on ne referme pas les bars illico-presto!
La raison de cette rechute est évidente. Les bars sont des lieux clos, avec beaucoup de promiscuité (la musique et le bruit poussent les gens à se rapprocher pour se comprendre). La consommation d’alcool nous rend moins prudents par rapport à la distanciation. Ensuite évidemment, on retire le masque pour boire. Et enfin, on reste dans un bar suffisamment longtemps pour recevoir une dose de virus importante. Bref, mon conseil, n’allez plus dans les bars, ou contentez vous de rester en terrasse.
Maintenant que vous avez une idée plus précise des risques en fonction de l’activité, c’est à vous de gérer votre prévention. Avant de faire une activité ou de vous rendre quelque part, posez vous quelques questions. Le lieu est-il clos ? Y-a-t-il du monde ? A quelle heure y-a-t-il moins de monde ? Vais-je rester longtemps ? Est-ce vraiment une activité essentielle ? Sur place, observez les lieux. Y-a-il suffisamment d’espace autour des gens ? Se déplacent-ils ? Portent-ils des masques ? Vous sentez-vous en sécurité ? Vais-je pouvoir bouger ou sortir facilement ? En fonction des réponses, vous serez en mesure d’évaluer votre attitude par rapport à la prise de risque. Le risque zéro n’existe pas, à moins de vous isoler complètement à la campagne et d’être auto-suffisant. C’est à vous d’estimer le risque, sans attendre les consignes du gouvernement, et de voir si vous êtes confortable avec ce niveau de risque.
Pour vous aider, voici un tableau des risques associés à certaines pratiques ou certains lieux. Ces risques ont été estimés par 4 docteurs, spécialistes en infectiologie.
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Photos Marc Bruxelle